“Blooming” : quête de soi avec Black Fleuriste

Blooming est un état d’esprit — une manière de penser, une façon de vivre. Jusqu’où es-tu prêt à aller pour poursuivre tes objectifs ? C’est là que le blooming commence : quand ton désir de plus devient si fort que tu te remets en question. Est-ce que nos objectifs sont les véritables chefs d’orchestre de nos vies — au point de transformer notre environnement, jusqu’à ce que même les gens autour de nous doivent s’y adapter ? Blooming.

Ce sont les pensées qui m’ont traversé l’esprit après notre conversation avec Black Fleuriste.

Designer, rappeur et désormais photographe, Melvin Djodji-Jones, connu sous le nom de Black Fleuriste, utilise tous les médiums à sa disposition pour nous plonger dans son univers. Originaire du Gabon et aujourd’hui installé à Dakar, au Sénégal, Black Fleuriste, « guidé par Dieu » et ses objectifs, s’est ouvert à nous.

Melvin, peux-tu nous ramener à la source — comment est né Black Fleuriste ?

BF : Tout a commencé quand j’ai commencé à rapper dans ma cité , à Delta Postal DTP (Libreville, Gabon).

On est tous des fleuristes. Je crois que chaque personne est un fleuriste. Parce que Dieu a planté quelque chose en chacun de nous — quelque chose de différent pour chaque individu. C’est comme une graine, une plante que Dieu a déposée en toi. Et c’est à toi d’en prendre soin au fil du temps, de l’arroser pour qu’elle puisse grandir.

L’influence que ta plante va avoir — et peut-être qu’elle deviendra un arbre — dépend des expériences que tu traverses dans la vie. Cet arbre peut devenir un grand chêne, ou bien cette fleur peut se faner et mourir, parce que tu t’es laissé mourir de l’intérieur ou que tu as fait les mauvais choix.

Franchement, c’est vraiment ça : tu arroses ce qu’il y a en toi. Donc ouais, chacun est le fleuriste de sa propre vie. Chacun porte une fleur en lui, et il a le droit — non, la responsabilité — de l’arroser, de lui donner l’énergie et l’influence dont elle a besoin.

C’est spirituel aussi, tu vois ? C’est comme dire : ouais, je suis le fleuriste de ma propre vie.

Et à la fin, j’ai ajouté “Black” parce que j’aime tout ce qui est Black. Je suis Black. Et je ressens une certaine pureté dans l’obscurité. Le noir, pour moi, c’est quelque chose de pur.

NM : Pier Paolo Piccioli disait un jour que le noir n’est pas juste une couleur — c’est un état d’esprit.

BF : Ouais, c’est pour ça que j’ai ajouté “Black.”

Tu viens de sortir une collection avec Atelier Fleuriste, qui est ta deuxième collection sous ton label. Parle-nous de cette collection et de ce qui t’a inspiré.

BF : On va dire qu’au départ, quand je me mets à bosser sur une collection, je commence toujours par ce que je vis. Ce sont d’abord les vibrations, tu vois ? Comment je me sens dans ma vie à ce moment-là. Les défis que je traverse. C’est ça qui me guide en premier.

Parce que pour moi, la mode, c’est avant tout la retranscription d’une émotion. Un message que tu veux faire passer à travers les vêtements. C’est une énergie, une vision.

Même s’il y a l’aspect esthétique, le fait que ça doit être beau sur toi…

NM : L’esthétique, oui.

BF : Bien sûr. Mais c’est plus profond que ça. Je ne sais pas si t’as vu, j’avais tweeté que la mode c’est aussi spirituel. Une fois que j’ai ce noyau-là, ce ressenti, je peux construire autour.

Par exemple, Blooming, c’était vraiment une idée d’émancipation. Grandir, s’ouvrir, malgré tout ce que la vie peut t’envoyer.

Et 2024, ça n’a pas été une année facile. J’ai traversé beaucoup de trahisons. Il y avait des gens autour de moi qui étaient juste là pour prendre mon énergie. Il y avait aussi de la jalousie. Des mecs que je considérais comme des frères, mais qui, en vrai, me jalousaient.

J’étais fiancé. Je vivais avec ma copine. On s’est séparés. Parce qu’on était dans deux phases de vie différentes. Moi, je suis encore dans la recherche, dans la construction. Je vivais avec ma fiancée, mais on n’était pas sur la même longueur d’onde au niveau de nos ambitions. Elle s’attendait à une certaine stabilité dans la vie : que je trouve un travail, que je me pose… Mais moi, j’étais tout le temps en quête de mes rêves. Du coup, il y avait cette barrière entre nous, ce qui a fini par nous éloigner et nous a menés à la séparation.

J’ai aussi trouvé beaucoup de vérités spirituelles à travers ma famille, ce qui m’a permis de prendre ma propre route par la suite.

Je ne cherchais vraiment pas à plaire à mon entourage. Pour moi, ce n’est pas réel de construire ta vie en fonction des attentes des autres.

Donc voilà, on s’est séparés. Et tout ça, ça a nourri Blooming.

Parce que Blooming, c’est ça : une quête de soi. Grandir malgré les épreuves, continuer à croire en ce que tu veux construire, même quand tu perds des gens, des opportunités, même quand la vie te secoue.

J’aurais pu choisir la facilité. Revenir au Gabon, trouver un petit taf, prendre un salaire de fonctionnaire, mener une vie tranquille. Mais j’ai refusé ce confort-là parce que je sais que ce n’est pas ce que je veux vraiment.

Blooming, c’est évoluer malgré les obstacles. Je ne pensais pas qu’on allait se séparer, je pensais avoir trouvé une certaine stabilité. Mais la vie a fait autrement. malgré ça, je continue. C’est ça le vrai message.

Ensuite, il fallait retranscrire tout ça dans les pièces. J’ai commencé avec des ensembles emblématiques. Le classique ensemble en denim, mais avec des coupes modernes : un pantalon flare et une veste en jean legerement crop.

J’ai voulu le moderniser en gardant l’esprit des coupes flare d’époque. Mais à la sauce fleuriste : avec des petits détails en dentelle. J’adore la dentelle. C’est un de mes motifs préférés. Du coup, j’ai ajouté de la dentelle fleurie pour ramener ce côté plus chic.

Tu peux porter ces pièces en soirée, à des événements, mais aussi au quotidien. Et la deuxième partie que je vais sortir bientôt, ce sera plus décontractée. Il y aura même des shorts. Mais toujours dans la même vibe. Vous allez capter.

NM : Tu m’avais expliqué que cette première partie, c’est la rive gauche de la collection ?

BF : C’est ça. J’ai sorti la rive gauche. Et bientôt, je vais sortir la rive droite. C’est une collection en deux temps. La première, que je viens de sortir, est « Délivrance ». Et la deuxième, que je sortirai bientôt, sera appelé « Sanctification ».

NM : Je disais à Jean Pierre que tes motifs en dentelle, tu pourrais les décliner partout. Ça m’a fait penser à Chrome Hearts, avec leurs patchs en cuir.

BF : Les croix, là ? Ouais ! Qu’ils mettent partout.

Une fois que tu commences à poser ton identité, tu peux l’ancrer partout. C’est ce qui devient ta signature. Ce qu’on retrouve à chaque fois dans tes collections. C’est ça qui forge ton style.

Et franchement, cette deuxième partie… elle sera méchante.

JP : Je veux parler de l'importance que tu accordes à l'écriture. Tes posts sont souvent suivis de textes profonds, qui m'envoient même parfois sur Google pour chercher la définition de certains termes. Du coup, voilà ma question:

Depuis quand portes-tu un tel intérêt pour l'écriture, et pourquoi ?

BF :Ah, l’école hein… Tu sais, moi j’ai appris à Gros Bouquet 1. Là-bas, il y avait la BCD — la bibliothèque. Tu pouvais emprunter des livres et les rendre la semaine suivante, voilà… Donc c’est ça, mon premier contact avec la lecture.

Après, je suis quelqu’un de très curieux. J’aimais les histoires, mais pas que. À la BCD, j’étais pas trop dans les livres du style Titeuf ou les bandes dessinées, mais plutôt dans Les records du monde, tu vois ? Des livres un peu à part, différents de ce que les autres lisaient.

Sinon, mon daron aussi est quelqu’un de très cultivé — il y avait des livres à la maison, etc. Le premier livre dont j’ai vraiment compris et assimilé le message après lecture, c’est L’Alchimiste de Paulo Coelho. Et là… je me prends une vraie claque.

Après ça, comme je rappe aussi, mon approche à l’écriture est devenue assez naturelle. J’ai développé ce truc où j’écris ce que je pense, spontanément […]. Et je trouve que c’est la meilleure manière de faire passer un message, tu vois ? Quand tu rédiges, le lecteur va interpréter à sa façon, avec sa propre sensibilité, et ça lui permet de développer son esprit critique.

Donc c’est pour toutes ces raisons que j’aime la lecture, l’écriture, etc.

NM : On approche de la fin… Dis-moi, tu conclurais comment ? Un mot de la fin ?

J’ai une question pour mieux cloturer

C’est quoi ton plus grand objectif dans la vie ? Ou même ta mission en tant que créateur ?

BF :Tu vois, moi je suis dans l'optique de marquer mon époque, de laisser une trace de mon passage sur terre... Surtout dans mon secteur qui est la mode. [...] J'essaie vraiment d'être cette personne qui ouvre des portes, même pour ceux qui viendront après moi, tu comprends ? Que demain, après-demain... la personne qui sera dans mon domaine puisse s'inspirer de ce que j'aurais laissé, de ce que j'aurais tenté de faire...

Ouais, c'est ça mon objectif en fait : apporter ma pierre à l'édifice en tant que Gabonais, en tant qu'Africain. Et puis... par la grace de Dieu, fonder une bonne petite famille tu connais, vivre dans l'opulence. Accomplir ma mission de vie, tout en restant un homme bon.

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